Eylau: Precis Des Travaux de la Grande Armée
Décret sur conscription spéciale : 4 decembre 1806
MM. Regnault (de Saint-Jean-d’Angely) et Lacuée, orateurs du Conseil-d’État, chargés de présenter un projet de sénatus-consulte, avaient été introduits au commencement de la séance.
M. Regnault étant monté à la tribune, a fait lecture d’un projet de sénatus-consulte, portant: “Que quatre-vingt mille conscrits seront levés en 1807; l’appel en sera fait aux époques qui seront fixées par les décrets impériaux; ils seront pris parmi les Français nés depuis et compris le 1er. janvier 1787, jusques au 31 decembre de la même année.
M. Regnault a ensuite exposé les motifs de ce senatus-consulte dans les termes suivans:
MONSEIGNEUR, SÉNATEURS,
“Un peu plus d’une année s’est écoulée depuis que S. M. l’Empereur et Roi, prête à quitter sa capitale pour repousser l’agression de l’Empereur d’Autriche, déposa dans le sein du Sénat l’assurance que les soldats français feraient leur devoir.
L’Europe a vu, Sénateurs, avec quelle glorieuse fidélité cette auguste promesse a été remplie, et en ce jour, anniversaire de l’immortelle victoire d’Austerlitz, nous aimons à rappeler le Peuple Français au sentiment du bonheur et de la reconnaissance. Mais cette époque mémorable est déjà séparée de nous par des triomphes non moin éclatans. Cette armée, à la tête de laquelle trois mois suffirent l’année dernière à S. M. pour combattre, vaincre pacifier, vient de combattre et vaincre un nouvel ennemi. Les soldats de S. M. ont une seconde fois fait leur devoir.
“Français, c’est à vous à faire encore le votre. S. M. ne s’est pas moins reposée sur son peuple que sur son armée, et aucune de ses espérances n’a été trompée. Avant de marcher vers le Danube, elle avait, de concert avec vous, Sénateurs, appelé d’avance sous les drapeaux les conscrits de 1806, et remis la garde de nos côtes, de nos frontières, de nos places fortes, aux citoyens formés en gardes nationales.
“Les gardes nationales ont honorablement rempli leurs obligations; elles sont encore sous les armes dans plusieurs départemens de l’Empire. Les jeunes conscrits ont répondu avec fidélité et avec courage à l’appel de l’Empereur et de la patrie. Ils sont dans les rangs de nos phalanges victorieuses. Ils y rivalisent avec les vieux soldats, et c’est à la prudence qui a compté sur leur bravoure et au génie qui l’a employée, que l’Empire doit sa sûreté et sa gloire. C’est à ce dévouement absolu, à cette confiance entière du peuple et de l’armée, à son Empereur, que la France doit de voir la guerre portée à 250 lieues de ses frontières, et toutes les calamités qui en sont inséparables, retomber sur ceux qui l’ont provoquée.
“Sénateurs, ce que la prévoyance de S. M. proposa l’année dernière à votres sagesse, n’est pas moins nécessaire, est plus nécessaire encore aujourd’hui.
Il faut qu’une conscription nouvelle se préparé à porter, s’il en était besoin, vers les bords du Rhin, de la Vistule, de la Sprée, de l’Oder, une nouvelle force à notre armée victorieuse. Il faut que les régimens de l’intérieur se complètent, et présentent à nos ennemis une réserve prête à voler où la voix de S. M. l’appellera. Il faut dans l’intérêt du peuple et des armées, que leur force permette à S. M. de ménager leur bravoure, et qu’en faisant marcher plus de braves aux combats, il en coûte moins de braves pour obtenir la victoire. La guerre dont l’Angleterre a payé le renouvellement, et soudoyé la prolongation, n’est plus d’ailleurs une guerre ordinaire: elle ne doit pas se terminer avec l’automne de l’année prochaine. S. M. veut épargner à ses peuples et à ses alliés ce renouvellement périodique de batailles, où la gloire et les triomphes sont toujours achetés par des pertes et des sacrifices. Elle a déclaré à l’Europe son intention de lui assurer une paix générale et durable. C’est en lui appliquant sur tous les rivages européens, les principes qu’elle a appliqués sur toutes les mers, que l’Empereur vent la ramener aux principes anciens du droit des gens et des nations civilisées. C’est en exilant les vaisseaux de l’Angleterre de toutes les côtes où S. M. I. et R. portera ses armes victorieuses et sa justice vengeresse, qu’elle punira la ministère anglais du refus coupable de donner au Monde, utilement et honorablement pour l’Angleterre, la paix après la quelle le Monde soupire. Ce sont ces nobles pensées, ces généreux projets, que S. M. confie au Sénat et à la nation, dont l’exécution exige encore le concours de toutes les volontés. C’est pour en assurer la réalisation, que la conscription de 1807 va être dès ce moment appelée par vous, Sénateurs, comme vous appelâtes, il y a quatorze mois, celle de 1806. Cette mesure extraordinaire, comme les circonstances où se trouve l’Europe, produira de semblables et de plus heureux effets encore que l’année dernière. Les conscrits qui ont marché ont aidé à conquérir des royaumes; ceux qui vont les suivre aideront à conquérir la paix. Vous rapprocherez pour eux l’époque du dévoûment et des combats; ils rapprocheront pour leur patrie l’époque de la paix et de la reconnaissance.
“Voici le projet de Sénatus-consulte que S. M. a ordonné de vous présenter.”
Le Sénat a renvoyé l’examen du projet de sénatus-consulte, et le rapport à faire sur le message de S. M. à une commission qui a été nommée séance tenante, et composée des sénateurs Lacépède, Garat, Bathelemy, Valence et Pérée.
Aujourd’hui 4 decembre, cette commission a fait au Sénat, par l’organe du sénateur Lacépède, le rapport suivant:
MONSEIGNEUR, SÉNATEURS,
“Vous avez renvoyé à votre commission spéciale le message qui vous a été adressé par S. M. I. et R. de son quartier-général de Berlin, et qui a vous été communiqué par S. A. S. le prince archi-chancelier de l’Empire. Vous avez renvoyé également à votre commission spéciale le décret impéral ainsi que les deux rapports du ministre de S. M., et un projet de sénatus-consulte relatif à la conscription militaire de 1807, et dont je vais faire lecture. Votre commission a été d’avis à l’unanimité, que le Sénat devait s’empresser d’adopter le projet de sénatus-consulte qui vous est proposé, et dont les motifs si bien développés par les orateurs du Gouvernement, sont exposés d’une manière si admirable dans le message de S. M. Impérieale et Royale. Elle a cru d’ailleurs ne pouvoir mieux seconder le sentiment que nous a fait éprouver ce message si mémorable, qu’en vous proposant d’offrir à S. M. Impériale, dans une adresse dont la commission m’a chargé de vous soumettre le projet, l’hommage de votre profond dévoûment et de votre vive et respectueuse reconnaissance. J’ai donc l’honneur de proposer au Sénat, au nom de sa commission spéciale, d’adopter, premièrement, le projet de sénatus-consulte relatif à la conscription militaire; secondement, le projet de décret ainsi que l’adresse que je vais avoir l’honneur de vous présenter.
Sur ce rapport, le Sénat a, dans la même séance, adopté le projet de décret et l’adresse proposée par sa commission.
(Ces deux pièces seront publiées lorsque S. M., à qui l’envoi en a été faite, aura ordonné leur impression).
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