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Eylau: Precis Des Travaux de la Grande Armee

Military Subjects: Battles & Campaigns

 

Eylau: Precis Des Travaux de la Grande Armée

Rapport du ministre des relations extérieures.

SIRE,

La Russie cesse de dissimuler; elle a jeté le masque dont elle avait jusqu’à présent essayé de se couvrir.  Ses troupes sont entrées en Moldavie[1]  et en Valachie.[2]  Elles ont assiégé les forteresses de Choezin et de Bender.[3] Les garnisons peu nombreuses, attaquées à l’improviste, et lorsqu’elles se confiaient en la foi des traités, ont dû céder à la supériorité du nombre, et les deux forteresses ont été occupées par les Russes

Tout ce qui est sacré parmi les hommes a été foulé au pieds.  Le sang humain coulait, pendant que l’envoyé de Russie, dont la présence seule devait être la preuve et la garant de la continuation de l’état de paix, était encore à Constantinople, et ne cessit d’y donner des assurances de l’amitié de son souverain pour sa Hautesse.  La Porte n’a su qu’elle était attaquée, elle n’a appris que ses provinces étaient envahies, que par le manifeste du général Michelson, que j’ai l’honneur de mettre sous les yeux de V. M., et ce qui est aussi révoltant que bizarre, au moment où la Porte recevait ce manifeste, l’envoyé de Russie, protestant qu’il n’avait reçue aucune instruction de sa cour, et qu’il ne croyait pas à la guerre, paraissait désavouer les proclamations des généraux, et révoquer en doute l’entrée des armées russes sur le territoire ottoman.

A quel sort l’Europe serait-elle réservée, si ses destins pouvaient dépendre des caprices d’un cabinet qui changent sans cesse, que différentes factions divisent, et qui, ne suivant que ses passions, semble ou ignorer ou méconnaître les sentimens, les procédés, les devoirs qui entretiennent la civilisations parmi les hommes!

La Porte Ottomane avait depuis long-tems la certitude qu’elle était trahie par le prince Ipsilanty, hospodar de Valachie.  Le prince Moruzzi, hospodar de Moldavie, ne lui inspirait plus une entière confiance.  Usant de son droit incontestable de souveraineté, elle les déposa l’un et l’autre, et les remplaca par les princes Suzzo et Callimachi.  Cette mesure déplut à la Russie. Son envoyé déclara[4] qu’il quitterait Constantinople, si les hospodars destitués n’étaient pas rétablis.  A cette époque, une inconcevable guerre paraissait sur le point d’éclater entre la France et la Prusse.  Etonné de voir en mésintelligence des deux puissances les plus intéressées à sa conservation, la Porte sentit quel avantage leur désunion donnerait à son ennemi naturel.  Un amiral anglais paru[5]   avec une escadre, et signifia que l’Angleterre ferait cause commune avec les Russes, si les anciens hospodars n’étaient pas rétablis.  La Porte céda à la nécessité, et conjura l’orage dont elle était menacée en remettant en place[6] les hospodars qu’elle venait de déclarer traîtres, et en déposant les hommes de son choix.  La Russie devait être satisfaite: l’Angleterre le fut au delà de ses espérances.  La Porte avait cru et dû croire que pour prix de sa condescendance, elle conserverait la paix qu’elle avait si chèrement, si douloureusement achetée.  Mais la nouvelle de la guerre déclarée par la Prusse et des premières hostilités commises, ne tarda point à arrivé à Saint-Pétersbourg.[7]

La cour de Russie s’applaudit intérieurement d’une guerre qui mettait aux prises deux alliées contre lesquels elle nourissait eu secret un égal ressentiment; deux puissances qui devaient être constamment d’accord pour s’opposer à ses projets contre l’Empire ottoman.  Dès-Iors elle ne garda plus aucune mesure; elle expédia au général Michelson l’ordre d’entrer en Moldavie, et dévora en espérance un proie qu’elle convoitait depuis tant d’années, et que l’union de la France et de la Prusse l’avait jusques-là forcée de respecter.  Heureusement pour la Turquie la guerre de la Prusse n’à duré qu’un moment, et l’armée française, arrivant sur la Vistule lorsque les troupes russes se concentraient sur le Dniester, les a forcés de rétrograder, et d’accourir pour défendre leurs frontières menacées.

La Porte Ottomane a senti son espoir renaitre.  Elle a sondé dans toute sa pronfondeur l’abime que sa condescendiance avait ereusé sous ses pas.  Elle a reconnu qu’un miracle l’avait sauvée, et toute la Turquie a couru aux armes, pour être désormais l’inséparable alliée de la France, sans le secours de laquelle elle était en danger de périr.

Le 29 décembre l’ambassadeur russe a quitté Constantinople avec toutes les personnes attachées à sa legation, avec tous les négocians russes et même avec les négocians grecs qui étaient à Constantinople sous la protection de la Russie.  Tous ont été respectés, tous ont pu se retirer librement, tandis que les Russes emmenaient prisonnier en Russie le consul de V. M. à Yassy, quoiqu’ils lui eussent donné des passeports pour se retirer par l’Autriche.

Le 30, la déclaration de guerre de la Porte a été proclamée à Constantinople.  Les marques du commandement suprême, l’épée et la pelisse ont été envoyées au grand-visir.  Le cri de guerre a retenti de toutes les mosquées.  Tous les Ottomans se sont montrés unanimement convaincus que la voie des armes est la seule qui leur reste pour préserver leur Empire de l’ambition de ses ennemis.

Peu de nations ont mis dans la poursuite de leurs desseins autant d’artifice et de constance que la Russie. La ruse et la violence, qu’elle a tour-à-tour employées pendant soixante ans contre la Pologne, sont encore les armes dont elle se sert contre l’Empire ottoman.  Abusant de l’influence que depuis les dernières guerres elle avait acquise sur la Moldavie et la Valachie, elle a, du sein de ces provinces, soufflé par-tout l’esprit de sédition et de révolte.  Elle a encouragé les Serviens rebelles à la Porte.  Elle leur a fait passer des armes; elle leur a envoyé des officiers pour les diriger.  Profitant du naturel sauvage des Monténégrins et de leur penchant à la rapine, elle les a soulevés et armés.  Elle a pareillement et pour ses futurs desseins, armé secrètement la Morée, après l’avoir effrayée des dangers imaginaires dont elle avait adroitement semé le bruit.  Elle a enfin, sous les prétextes les plus frivoles, continué d’occuper Corfou et les autres iles de la mer Ionîenne, dont elle avait elle-même reconnu l’indépendance.  L’exécution de ses projets étant ainsi préparée par tous les moyens que l’artifice et l’intrigue pouvaient lui fournir, elle a saisi habilement l’occasion que lui offrait la guerre la France et de la Prusse, et marché ouvertement à son but avec cette violence qui ne connait aucun droit ou n’en respect aucun.

Des circonstances aussi graves m’obligent de rappeler à V. M. la conduite que tint l’ancien gouvernement de la France, à une époque à laquelle il faut remonter pour trouver la cause des événemens actuels.  De toutes les fautes de ce gouvernement, la plus impardonnable, parce qu’elle a été la plus funeste, fut de souffrir, comme il le fit, avec une inconcevable imprévoyance, le premier partage de la Pologne, qu’il aurait pu si facilement empècher.  Sans ce premier partage, les deux autres n’auraient pu s’effectuer et n’auraient pas même été tentés à l’époque où ils furent faits.  La Pologne existerait encore, Sa disparition n’aurait pas laissé un vide, et l’Europe aurait évité les secousses et les agitations qui l’ont tourmentée sans relâche depuis dix ans.

Le cabinet de Versailles aggrava encore cette faute, en laissant la Porte Ottomane seule aux prises avec les Russes et forcée aux plus douloureux sacrifices, quand il pouvait les lui épargner, quand il lui était si facile de la secourir, soit en 1783, après la paix qu’il venait de faire, soit cinq ans plus tard, lorsque commença cette guerre qui fut terminée par la déplorable paix de 1791.

Cet oubli des intérêts de la France et de l’Europe entière aurait encore aujourd’hui pour l’une et l’autre des conséquences nouvelles et bien plus funestes; si V. M. ne les avait pas rendues impossibles.

Mais V. M. a tout fait pour que ses ennemis désirent la paix, et elle a tout fait encore pour la rendre facile.  Car on ne peut pas supposer que la Russie s’aveugle elle-même au point de renoncer à tous les bienfaits de la paix, en refusant de prendre le seul engagement que V. M. veuille exiger d’elle, celui de s’abstenir désormais des entreprises qu’elle a faites depuis trente ans, et qu’elle poursuit ou renouvelle en ce moment sur les Etats qui l’avoisinent au Midi, et de reconnaître l’indépendance et l’intégrité de l’Empire Ottoman, qui importent si essentiellement à la politique de la France et au repos de Monde.

Varsovie, le 28 janvier 1807.

Signé, CH. MAUR. TALLEYRAND, prince de Bénévent

A ce rapport sont annexées six pièces écrites en langue turque, et traduit en français par ordre du Gouvernement.  Ces pièces prouvent que la Russie s’est emparée des provinces du Grand-Seigneur, sans déclaration de guerre préalable, et sous les apparences de la plus étroite amitié.

Un courrier expédié le 6 février de Varsovie, par le prince de Bénévent à S. M. l’Impératrice et Reine, est arrivé le 18 apportant à S. M. les détails suivans, écrits le 4 sur le champ de bataille de Liebstadt par le prince de Neufchâtel, ministre de la guerre:

“Nous avons joint l’ennemi à Allenstein, où il a été attaqué par l’Empereur, tandis que par une autre colonne il se faisait tourner a Gustadt.  Il a été culbuté sur toute la ligne qu’occupait son avant-garde.  Nous avons beaucoup de prisonniers, quelques pièces de canon; l’ennemi coupé est en pleine retraite, qu’il fait dans le plus grand désordre: toute l’armée est à ses trousses.  L’Empereur commande son avant-garde, et ne s’est jamais mieux porté.”

“Le grand-duc de Berg se porte bien.”

[1] Le 23 novembre.

[2] Dans les premiers jours de décembre.

[3] Du 23 au 28 novembre.

[4] Le 29 septembre.

[5] Le 12 octobre.

[6] Le 15 octobre.

[7] Vers le 25 ou 26 octobre.

 

 

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