Eylau: Precis Des Travaux de la Grande Armée
Note par Talleyrand à Général Knobelsdorff de la Prusse: 11 septembre 1806
Copie de la premiere note adressée à S. Exec. M. le général de Knobelsdorff, par S. A. S. le prince de Bénévent, ministre des relations extérieurs, en date du 11 septembre 1806.
Mayence, le 3 octobre 1806.
Le soussigné, ministre des relations extérieures, est chargé, par ordre exprès de S. M. l’Empereur et Roi, de faire connaître à S. Exc. M. de Knobelsdorff que de nouveaux renseignemens, venus de Berlin sous la date des premiers jours de septembre, ont appris que la garrison de cette ville en était sortie pour se rendre aux frontières, que publiquement on les présentait, à Berlin même, comme dirigés contre la France.
Les dispositions de la cour de Berlin ont d’autant plus vivement surpris S. M., qu’elle était plus éloignée de les présager d’après la mission de M. de Knobelsdorff, et la lettre de S. M. le Roi de Prusse, dont il était porteur.
S. M. l’Empereur et Roi a ordonné l’envoi de nouveaux renforts à son armée : la prudence lui commandait de se mettre en mesure contre un projet d’aggression aussi inattendu qu’il serait injuste. Mais ce ne serait jamais que malgré lui contre son voeu le plus cher qu’il se verrait forcé de réunir les forces de son Empire, contre une puissance que la nature même a destinées être l’amie de la France, puisqu’elle avait lié les deux Etats par une communauté d’intérêts avant qu’ils fussent unis par des traités. Il plaint l’inconsidération des agens qui ont concouru à faire adopter, comme utiles et comme nécessaires, les mesures prises par la cour de Berlin. Mais ses sentimens pour S. M. le roi de Prusse n’en ont été ni changés affaiblis, et ne le seront point aussi long-tems que S. M. ne sera point forcée à penser que les armemens de la Prusse sont le résultat d’un systême d’aggression combiné avec la Russie contre la France; et lorsque l’intrigue, qui paraît s’être agitée de tant de manières et sous tant de formes, pour inspirer au cabinet de Berlin des préventions contre son meilleur et son plus fidèle alié, aura cessé; lorsqu’on ne menacera plus par des préparatifs, une nation que jusqu’à cette heure il n’a pas paru facile d’intimider, S. M. l’Empereur regardera ce moment comme le plus heureux pour lui-même et pour S. M. le roi de Prusse. Il sera le premier à contremander les mouvemens de troupes qu’il a dû ordonner, à interrompre des armemens ruineux pour son trésor, et les relations entre les deux états seront rétablies dans toute leur intimité.
C’est sans doute une chose satisfaisante pour le coeur de S. M., de n’avoir donné, ni directement ni indirectement, lieu à la mésintelligence qui paraît prête à éclater entre les deux états, et de ne pouvoir jamais être responsable des résultats de cette singulière et étrange lutte, puisqu’elle n’a cessé de faire constamment, par l’organe de son envoyé extraordinaire et par l’organe du soussigné, toutes les déclarations propres à déjouer les intrigues, qui, malgré ses soins ont prévalu à Berlin : mais c’est en même tems pour S. M. I. un grand sujet de réflexion et de douleur que de songer que lorsque l’alliance de la Prusse semblait devoir lui permettre de diminuer le nombre de ses troupes et de diriger toutes ses forces contre l’ennemi commun, qui est aussi celui de continent, c’est contre son allié même qu’elle a des précautions à prendre.
Les dernières nouvelles de Berlin, diminuant beaucoup l’espoir que l’Empereur avait fondé sur la mission de M. Knobelsdorff, et sur la lettre de S. M. le roi de Prusse, et semblant confirmer l’opinion de ceux qui pensent que l’armement de la Prusse, sans aucune explication préalable, n’est que la conséquence et le premier développement d’un systême combiné avec les ennemis de la France, S. M. se voit obligée de donner à ses préparatifs un caractère général, public et national. Toutefois elle a voulu que le soussigné déclarât que, même après la publicité des mesures extraordinaires auxquelles S. M. a dû recourir, elle n’en est pas moins disposée à croire que l’armement de la cour de Berlin n’est que l’effet d’un mal entendu, produit lui-même par des rapports mensongers, et à se replacer, lorsque cet armement aura cessé, dans le même systême de bonne intelligence, d’alliance et d’amitié qui unissait les deux états.
Le soussigné, etc.
Signé, CH. MAUR. TALLEYRAND, prince de Bénévent.
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