Eylau: Precis Des Travaux de la Grande Armée
La réponse de Fox à la lettre de Tallyrand de 1 avril 1806: 8 avril 1806.
Downing-Street, ce 8 avril 1806.
No. V. – Monsieur, je n’ai reçu qu’hier au soir votre dépêche du premier courant. Avant d’y répondre, permettez moi d’assurer V. Exc. que la franchise et le ton obligeant qu’on y remarque, out fait ici le plus grand plaisir. Un esprit conciliatoire, manifeste de part et d’autre, est déjà un grand pas vers la paix.
Si ce que V. Exc. dit par rapport aux affaires intérieures regarde les affaires politiques, une réponse n’est guère nécessaire : nous ne nous y immisçons pas en tems de guerre, à plus forte raison nous ne le ferons pas en tems de paix; et rien n’est plus éloigné des idées qui prévalent chez nous, que de vouloir ou nous mêler des lois intérieures que vous jugerez propres à règler vos douanes et soutenir les droits de votre commerce, ou d’insulter à votre pavillon.
Quand à un traité de commerce, l’Angleterre croit n’avoir intérêt à le desirer plus que les autres nations. Il y a beaucoup de gens qui pensent qu’un pareil traité entre la France et la Grande-Bretagne serait également utile aux deux parties contractantes, mais c’est une question sur laquelle chaque gouvernement doit juger d’après ses propres apperçus, et celui qui le refuse n’offense pas, ni n’a aucun compte à celui qui le propose.
Ce n’est, Monsieur, pas moi seulement, mais tout homme raisonnable doit reconnaître que le véritable intérêt de la France, c’est la paix, et que, par conséquent c’est sur sa conservation que doit être fondée la vraie gloire de ceux qui la gouvernement.
Il est vrai que nous nous sommes mutuellement accusés; mais il ne sert à rien, dans ce moment-ci, de discuter les argumens sur lesquels ces accusations ont été fondées. Nous desirons comme vous l’égalité. Nou ne sommes pas assurément comptables l’un à l’autre de ce que nous faisons chez nous, et le principe de réciprocité à cet égard, que V. Exc. a proposé, parait juste et raisonnable.
On ne peut pas disconvenir de ceque vos raisonnemens, sur l’inconvénient qu’aurait pour la France une paix sans durée, ne soient bien fondés; mais de l’autre côté, celui que nous éprouverions serait aussi très considérable. Il est peut-être naturel que, dans de pareils cas, chaque nation exagère ses propres dangers, ou qu’au moins elle les regarde de plus près et d’un oeil plus clairvoyant que ceux d’autrui.
Quand à l’intervention d’une puissance étrangère, il faut d’abord remarquer que, pour ce qui regarde la paix et la guerre entre la France et l’Angleterre, la Russie ne peut être censée puissance étrangère, vu qu’elle est actuellement en alliance avec l’Angleterre et en guerre avec la France. C’est pourquoi dans ma lettre c’était comme partie, non comme médiateur, qu’on a proposé de faire intervenir l’empereur Alexandre.
V. Exc., dans la dernière clause de sa dépêche, reconnaît que la paix doit être honorable, tant pour la France et l’Angleterre, que pour leurs alliés respectifs. Si cela est, il nous paraît être impossible, vu l’étroite alliance qui subsiste entre les deux gouvernemens, que celui de l’Angleterre puisse commencer une négociation sinon provisoire, sans la concurrence out tout au moins le consentement préalable de son allié.
Pour ce qui est de l’intégrité et de l’indépendance de l’Empire ottoman, aucune difficulté ne peut s’offrir, ces objets étant également chers à toutes les parties intéressées à la discussion dont il est question.
Il est peut-être vrai que la puissance de la France sur terre, comparée à celle du reste de l’Europe, n’est pas égale à la supériorité que nous possédons sur mer, envisagée sous le même point de vue; mais il ne faut plus se di simuler que le projet de combiner toute l’Europe contre la France est chimérique au dernier point. Au reste, c’est en vérité pousser un peu trop loin les appréhensions pour l’avenir, que d’envisager l’alliance entre la Russie et l’Angleterre (les deus puissances de l’Europe les moins faites pour attaquer la France par terre) comme tendante à produire un résultat pareil.
L’intervention de la Russie à la négociation ne peut son plus être regardée comme la formation d’un congrès, ni pour la forme ni pour la chose, d’autant qu’il n’y aura que deux parties, la Russie et l’Angleterre d’un côté, et la France de l’autre. Un congrès pourrait être bon à beaucoup d’égards après la signature des préliminaires, en cas que toutes les parties contractantes soient de cet avis, mais c’est un projet à discuter librement et amicalement après que l’affaire principale aura été arrangée.
Voilà, Monsieur, que je vous ai exposé avec toute la clarté que j’ai pu, les sentimens du ministère britannique sur les notions que V. Exc. a suggérées. Je me plais à croire qu’il n’y a qu’un seul point essential sur lequel nous ne sommes pas d’accord.
Dès que vous consentirez que nous traitions provisoirement jusqu’à ce que la Russie puisse intervenir, et dès-lors, conjointement avec elle, nous sommes prêts à commencer, sans différer d’un seul jour, la négociation en tel lieu et en telle forme que les deux parties jugeront les plus propres à conduire à bon escient l’objet de nous travaux le plus promptement possible.
J’ai l’honneur d’être avec la consideration la plu distinguée, Monsieur, De V.Exc. le très-humble et très obeissant serviteur, C.J. Fox.
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