Eylau: Precis Des Travaux de la Grande Armée
Rapport de prince Hohenlohe au roi de la Prusse sur la reddition de ses corps : 29 octobre 1806
Voici le rapport que le prince de Hohenlohe a adressé au roi de Prusse après la capitulation de son corps l’armée, et qui a été intercepte:
A Sa Majesté le Roi.
Je n’ai pas eu le bonheur de pouvoir passer l’Oder avec l’armée qui m’était confiée, et de la soustraire ainsi aux poursuites de l’ennemi. Ayant atteint après les marches les plus pénibles, les environs de Boitzenbourg, et me trouvant au moment de passer ce défilé pour atteindre Prentzlow, le même soir je le trouvai déjà occupé par l’ennemi. Quoique parvenu à la forcer, je ne jugeai pas à propos de poursuivre directement ma marche, ma cavalerie se trouvant sans fourrages et extrêmement fatiguée, et devant m’attendre à la pointe du jour à une attaque dont l’issue malheureuse était bien à craindre. Je me tournai en conséquence le plu promptement possible vers la gauche, et atteignis dans la nuit les environs de Schonemarck. J’avais, dès deux heures du matin, ordonné que de fortes patrouilles fussent poussées au-devant de l’ennemi : ces patrouilles revinrent sans l’avoir rencontré. Pour éviter de tomber dans un cul-de-sac, j’envoyai encore une patrouille jusqu’à Prentzlow. Elle rendit compte qu’aucun ennemi ne s’était montré dans les environs, et qu’à Prentzlow, on n’avait pas aperçu de ses patrouilles. Je me mis alors en marche pour atteindre cette ville, où j’espérais trouver du pain et des fourrages; tout autour de moi ou en demandait, la détresse était parvenue à son comble. A peine avais-je atteint les hauteurs de Prentzlow, que l’ennemi parut sur mon flanc droit; on en vint aussitôt aux mains: La supériorité de l’ennemi et son artillerie me forcèrent à la retraite par Prentzlow; l’espoir d’y trouver du pain et des fourrages dut donc totalement déçu par l’arrivée de l’ennemi. Des corps ennemis se montrerent sur mon flanc droit. Les Français, bien supérieurs à moi en artillerie et en cavalerie, se disposaient à renouveler l’attaque sur mon centre; plusieurs bataillons se trouvaient sans cartouches; une batterie entière d’artillerie légère était perdue; et d’après le rapport du colonel Hozen, il ne restait plus à la plupart des autres pièces que cinq charges.
Je me trouvais encore à sept milles de Stettin, et même toute apparence de secours fondée sur cette marche était évanouie. Coupé des secours restés à Liches et du corps du général Blücher, sans cavalerie en était de combattre, puisque l’abattement des hommes et la fatigue des chevaux lui avait ôté toute confiance en elle-même; sans munitions et surtout sans vivres, enfin, persuadé que je sacrifierais la vie de cette poignée d’hommes sans aucune utilité pour le service de V. M., je me suis soumis à ma triste destinée, et j’ai capitulé avec l’ennemi. Je suis à même de justifier ma conduite pendant tout le cours de cette campagne aux yeux de mes contemporains et de la postérité, à ceux de V. M., et devant mes propres regards, que je puis tourner avec calme et avec sérénité sur moi-même.
Je pense pouvoir prouver que j’ai été la malheureuse victime de la non exécution de mes premiers plans. Le malheur seul m’atteint, et non la honte. La supériorité de la cavalerie ennemie avait déjà détruit en grande partie le détachement du général Schimmelpenning, et cependant la possibilité de ma retraite ne reposait que sur l’existence de ce corps, qui devait brûler tous les ponts sur le Rhinau, la Havel et le canal de Finavv.
J’a conduit une armée qui, manquant de pain, de munitions, de fourrages, devait attendre un passage difficile, dans un cercle dans toute l’étendue duquel l’ennemi était en mouvement. L’impossibilité de l’exécution ne tenait ni à mon zéle, ni à ma bonne volonté, ni à la chose en elle-même, ni à l’insuffisance de mes dispositions. On doit plaindre l’étendue de mon malheur, et l’on ne saurait me condamner. Je me réserve de déposer aux pieds de votre Majesté un rapport détaillé sur tous les événemens qui m’ont accablé depuis le 14.
Prentzlow, le 29 octobre 1806.
Signé, F. L. prince de HOHENLOHE.
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