Eylau: Precis Des Travaux de la Grande Armée
Députation du Sénat á S. M. l’Empereur: 19 novembre 1806
Berlin, le 19 novembre 1806.
S. M. a reçu, au retour de la parade, messieurs les sénateurs François (de Neufchâteau), d’Aremberg et Colchen, composant la députation du sénat.
M. François (de Neufchâteau), après avoir porté la parole au nom du sénat, a fair lecture de l’adresse suivante:
Adresse du Sénat à l’Empereur et Roi.
SIRE,
“Le sénat s’empresse d’exprimer à V. M. Impériale et Royale tous les sentimens que lui inspire le message qu’il veut de recevoir de V. M.
“Cet acte à jamais mèmorable, Sire, est un témoignage bien éclatant de la magnanimté de V. M. impériale.
“Qui sait mieux que le sénat tout ce que V. M. a fait pour ne pas reprendre les armes qu’elle avait déposées sur l’autel de la Concorde?
“En croyant à la paix continentale, parce que vous désirez vivement, Sire et parce qu’elle était nécessaire à l’Europe, vous avez ajouté à votre gloire militaire, qui ne peut plus s’accroître, un nouveau genre de gloire qui ne sera pas moins durable.
“L’histoire, Sire, consacrera cette modération généreuse de Votre Majesté, qui n’a pas voulu les ressources de sa haute prévoyance, que pour concilier les véritables intérêts des nation étrangères avec ceux de la France et de ses alliés.
“Le voeux du Sénat et du Peuple Français, Sire, est le même que le voeu de V. M. Impériale et Royale, celui de la justice, de la gloire nationale et de l’humanité.
“Jamais le dévoûment du Grand-Peuple ne s’est manifesté avec autant d’éclat. Les pères envient la noble destinée de cette jeunesse belliqueuse, qui se précipite vers les camps de V. M., et qui brûle de mériter, dans les rangs des vainqueurs de Marengo et d’Austerlitz, un regard de son Empereur.
“Il n’est aucun Français qui ne soit convaincu, Sire, que Votre Majesté n’élève trophée sur trophée, que pour donner à notre patrie toute la prospérité qu’elle a droit d’attendre de son territoire et de son industrie, pour défendre vos alliés fidèles, pour garantir conféderés se sont empressés de réunir à vos étendards, et pour assurer à l’Europe cette organisation que réclamaient le bonheur des peuples, ainsi que la sûrté et l’indépendance des puissances neutres.
“Le Sénat n’a pu lire sans attendrissement ces paroles de Votre Majesté:
“Notre coeur est péniblement affecté de cette prépondérance constante qu’obtient en Europe le génie du mal, occupé sans cesse à traverser les dessiens que nous formons pour la tranquillité de l’Europe, le repos et le bonheur de la génération présente, assiégeant tous les cabinets par tous les genres de séduction, égarant ceux qu’il n’a pu corrompre, les aveuglant sur leurs véritables intérêts, et les lançant au mileu des partis, sans autres guides que les passions qu’il a sur leur inspirer.”
“Sire, malgré tous ces efforts, l’Europe obtiendra cet état prospère, l’objet constant des soins de Votre Majesté.
“Quelle puissance pourrait résister à la valeur des Français, à celle de tous ces peuples que vous conduisez à la victoire, et à ce génie incomparable du plus grand des capitaines, qui, variant ces plans suivant les saisons, les hommes et les lieux, crée pour chaque nouvelle entreprise un nouvel art de la guerre, accroît toutes les forces par la science des combinaisons, multiplie tous les instans par la volonté de n’en perdre aucun, abrège les distances par la précision des marches, menace tous les points, excepté celui qu’il a résolu d’attaquer, ne laisse entrevoir ses projets que lorsqu’il n’est plus posture de ses positions, à se placer eux-mêmes à l’endroit qu’ils doivent illustrer par leur défaite, les oblige à recevoir une bataille où ils peuvent tout perdre sans espérer es avantages proportionnés à leurs dangers, revêt les précautions de la prudence de tout l’éclat de l’audace, et lorsqu’il a donné le signal du triomphe, disperse avec la rapidité de la fondre tout ce qui s’oppose à l’essor de ses aigles redoutables!
“Recevez, Sire, le nouvel hommage d’admiration, de reconnaissance et d’amour, que le Sénat offre, au nom du peuple français, à V. M. I. et R.
“Ces sentimens de la grande nation, présage de ceux qu’éprouvera la postérité la plus reculée, sont les monument de gloire le plus digne du premier des héroes, et le tribut le plus cher au coeur paternel de V. M.”
L’Empereur a répondu, qu’il remerciait le Sénat de sa démarche, qu’il chargeait la députation de rapporter à Paris les 340 drapeaux et étendards pris dans cette campagne sur l’armée prussienne; qu’ils désirerait que ces drapeaux demeurassent déposés au Sénat jusqu’à ce que le monument que S. M. a ordonné d’èlever fût terminé et en état de les recevoir. S. M. a aussi fait remettre à la députaton l’épée, l’écharpe, le hausse col et le cordon du Grand-Frédéric, pour être transportés aux Invalides, remis au governeur et gardés à l’hôtel.
Les députés du Sénat s’étant retirés ont été accompagnés à leur demeure par 340 grenadiers de la garde impériales, qui portaient les 340 drapeaux et étendards.
Des députés du palatinat de Posen, ayant ensuite été admis à l’audience de l’Empereur, lui ont offert les hommages de ce palatinat, et ont exprimé le désir que S. M. proclamât l’indépendance des Polonais.
L’Empereur leur a répndu, que la France n’avait jamais reconnu les différens partages de la Pologne; qu’il ne pouvait néanmoins faire cette proclamation que lorsque les Polonais seraient décidés à défendre leurs droits, comme nation, les armes à la main, par toutes sortes de sacrifices, et par celui même de leur vie; que, jusqu’à cette heure, l’Europe leur avait reproché d’avoir souvent sacrifié, dans des dissentions civiles, les intérêts de leur patrie; qu’ils pouvaient maintenant prouver qu’ils étaient corrigés par l’expérience des longs malheurs dont ils ont été les victimes.
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