Eylau: Precis Des Travaux de la Grande Armée
Séance du Sénat : 5 décembre 1806
Du 5 décembre 1806.
Le mardi 2 de ce mois, à midi, en exécution des ordres de S. M. l’Empereur et Roi, S. A. S. Mgr. le prince archi-chancelier de l’Empire, s’est rendu au sénat; Son Altesse était en grand costume; elle a été reçue avec le cérémonial ordinaire et accoutumé, et ayant pris séance, a dit:
“Messieurs, “Au moment où les rênes de gouvernement furent remises, par la connaissance de la nation, entre les mains de S. M. I. et R., il s’établit entre elle et vous des rapports habituels de confiance et une communication de pensées qui vous ont fait participer aux grands desseins conçus et exécutés pour le bien de cet Empire. Ainsi, vous avez su de bonne heure que les premiers voeux de l’Empereur furent pour la paix, et que ce moment généreux ne s’est jamais attiédi. Avant de paraître sur le champ de bataille, il l’a offerte à ses ennemis. Après la victoire, sa main triomphante la leur a toujours présentée. Il espérait que des traités particuliers et successifs, conciliant les uns après les autres tous les intérêts, appaissant par degrés tous les ressentimens, amèneraient enfin cette pacification générale, si désirée par les peuples européens, et si nécessaire à leur félicité. L’attente de S. M. a été trompée. L’Europe, attirée vers le repos par les victoires de la France, a été sans cesse rappelée aux combats par l’influence de la Grande Bretangne et par les prétontions ambitieuses de la Russie. Des coalitions terrassées ont donné naissance à la de nouvelles coalitions. La modération du vainqueur a encouragé les vaincus. Les plus grands efforts du génie militaire, ainsi que les exploits d’une armée qui compte pour rien les distances, les saisons, les climats et le nombre de ses ennemis, n’ont abouti, jusqu’à présent, qu’à des trèves glorieuses, dont la paix n’a point été le fruit. Cependant l’Angleterre s’est emparée du commerce du Monde: tous les produits de l’industrie dans les deux hémisphères, vont s’engloutir dans cette île. Cependant la Russie, si long-tems inconnue dans les débats de l’Europe, fomente aujourd’hui les désordres de l’Occident, en même tems qu’elle menance l’Orient de sa vaste domination. L’Empire ottoman est inquiéte : les vexations s’aggravent contre lui : les droits de sa souveraineté sont rendus, pour ainsi dire, incertains. Dans de telles conjonctures, au milieu de ces machinations et de ces trames, S. M. a dû abandonner une route où ne se trouvait point la paix que le vainqueur seul a cherchée. Il faut désormais rendre cette paix désirable à ceux qui provoquent la guerre. Il faut rendre la guerre funeste à ceux qui s’y laissent entraîner. Il faut réduire les cabinets à l’heureuse impuissance d’être trompés encore une fois. Il faut enfin que des princes tant de fois vaincus apprennent que la clémence a un terme, et que le sceptre dont ils abusent peut se briser entre leurs mains. De là, Messieurs, un nouveau plan de conduite et des mesures accessoires propres à en assurer le succès. La première et la plus importante de toutes consiste à souvenir la puissance de la nation, par la continuite des mêmes moyens, et par le développement de ses forces. Il faut ensuite qu’un peuple infracteur des lois de la civilisation soit privé de toutes relations avec les peuples civilisés. Il faut que S. M. garde ses conquêtes, et qu’elles eu écarte les fauteurs de toutes les discordes, jusqu’aux moment où l’Angleterre aura reconnu les principes qui, chez les peuples policés, tempèrent les désastres inséparables de leurs dissentions; jusqu’à l’époque où de justes restitutions auront acquitté nos obligations envers nos fidèles alliés; enfin, jusqu’à une paix générale qui établira le repos de l’Europe et permettra à tous les peuples l’entier développement de leur industrie. Vous appréciez, Messieurs, tout ce qu’un pareil dessein a de grand et de glorieux. Ses avantages prochains, ceux qu’il offre pour l’avenir n’échappent point à votre sagesse; elle y trouve une ample compensation de la persévérance et de sacrifices momentanés dont il doit être le prix. Les garans de l’exécution seront, pour S. M., l’amour de ses peuples, la fidélité tant de fois éprouvée du sénat, le courage des armées; mais sur-tout ce génie dont le succès n’a jamais démenti les inspirations, et cette ardeur qui ne connaît point d’obstacles, quand il s’agit de la gloire de la France et du bonheur de l’humanité.
S. A. S. ayant terminé son discours, le senateur Porcher, l’un des secrétaires, est monté à la tribune et a fait lecture des pièces suivantes:
Extrait des minutes de la secrétairerie d’Etat.
Au Palais de Berlin, le 21 novembre 1806.
NAPOLÉON, Empereur des Français et roi d’Italie, nous avons décrété et décrétons ce qui suit:
Le sénat se réunira le 2 du mois de décembre prochain dans le lieu ordinaire de ses séances, sous la présidence de notre cousin l’archi-chancelier de l’Empire.
Signé, NAPOLÉON.
Par l’Empereur, Le ministre secrétaire-d’état,
Signé, H. B. MARET.
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